Qui commandait les pompiers à Munich en 1858 ?
L’organisation de la lutte contre l’incendie à Munich en 1858 révèle une structure institutionnelle à la fois hiérarchisée, plurielle et remarquablement précise. Loin de l’image d’un corps autonome ou d’une brigade moderne unifiée, les pompiers de la capitale bavaroise étaient insérés dans un réseau d’autorités civiles, municipales, techniques et militaires.
Cet article propose d’explorer la chaîne de commandement telle qu’elle ressort de la Feuerlöschordnung für die Haupt- und Residenzstadt München, publiée le 10 novembre 1858, et de mettre en perspective cette organisation avec d’autres modèles contemporains.
Une double autorité : la police royale et le Magistrat
La direction de la lutte contre l’incendie à Munich est partagée entre deux grandes institutions :
- La Polizeidirektion, relevant directement de l’autorité royale
- Le Magistrat de la ville, organe civil de l’administration urbaine
Ces deux entités co-signent le règlement, soulignant leur complémentarité dans la gestion des secours. Le Polizeidirektor royal (v. Düring) et le Bürgermeister (v. Steinsdorf) sont explicitement nommés en tant que garants de la mise en œuvre de l’ordonnance.
La Feuerlösch-Kommission : un organe collégial de coordination
Au cœur du dispositif figure une instance clé : la Feuerlösch-Kommission (Commission de lutte contre l’incendie), composée de membres issus à la fois de la police, de l’administration municipale et du génie urbain :
« Der k. Polizei-Direktor und einer der Bürgermeister, nebst einem k. Polizeikommissär, einem rechtskundigen Magistratsrathe, der Stadtbaurath oder dessen Stellvertreter und zwei königl. Magistratsräthen, bilden die Feuerlösch-Kommission. » (§ 36)
Composition :
- Le directeur de la police royale (chef suprême en cas d’incendie)
- Un bourgmestre de la ville
- Un commissaire de police
- Un juriste du Magistrat
- Le Stadtbaurat (architecte-ingénieur municipal) ou son suppléant
- Deux conseillers municipaux royaux
Cette commission a un rôle opérationnel en situation de crise, mais aussi délibératif sur les décisions importantes. En cas d’égalité des voix, c’est le Polizei-Direktor qui tranche.
Le Stadtbaurat : un chef technique central
Le Stadtbaurat, ou ingénieur municipal en chef, joue un rôle décisif dans la gestion concrète des interventions :
- Supervision des lances, pompes, tuyaux et échelles
- Commandement direct des ouvriers municipaux
- Coordination avec les artisans réquisitionnés (maçons, charpentiers)
- Instruction des exercices trimestriels
- Commandement sur place si le Polizei-Direktor n’est pas encore arrivé
Sa fonction fait de lui une autorité technique opérationnelle, complémentaire de l’autorité politique et policière.
Le Hofbrunnmeister et les maîtres de l’eau
La gestion de l’eau est confiée à des officiers techniques spécialisés :
- Le Hofbrunnmeister (fontainier royal)
- Le Stadtbrunnmeister (fontainier municipal)
Ils ont pour mission de :
- Garantir l’alimentation en eau depuis les fontaines et les canalisations
- Superviser les branchements aux “Wasserwechsel” (vannes de prise d’eau)
- Veiller au bon fonctionnement des équipements hydrauliques en temps de crise
Ils sont mobilisés dès la détection du feu, preuve de l’importance capitale de la logistique de l’eau dans l’efficacité des secours.
Le Polizei-Direktor : autorité suprême en cas d’incendie
L’article 36 est sans ambiguïté :
« Die Oberleitung der sämtlichen Lösch- und Rettungsanstalten […] steht dem k. Polizei-Direktor oder dessen Stellvertreter ausschließlich zu. »
Le directeur de la police détient l’autorité exclusive sur tous les services engagés dans l’incendie. Il fixe les instructions, supervise l’ensemble des personnels présents, et exige l’obéissance immédiate de tous les agents, y compris les chefs de service municipaux.
Il est l’homme fort de la situation d’urgence, occupant un poste à la croisée du pouvoir royal, de la sécurité publique et de la coordination technique.
Une hiérarchie stricte mais interdisciplinaire
La force de ce système réside dans sa clarté hiérarchique, mais aussi dans sa collégialité élargie :
- Le pouvoir décisionnel est centralisé (Polizei-Direktor)
- Le pouvoir technique est spécialisé (Stadtbaurat, fontainiers)
- Le pouvoir exécutif est réparti (ouvriers, artisans, pompiers du Hof, militaires)
Chaque acteur connaît sa place dans un organigramme fonctionnel détaillé, allant jusqu’au port d’un bracelet d’identification selon le rôle de chacun (rouge pour les sauveteurs, jaune pour les chefs d’atelier, bleu et blanc pour les artisans, etc.).
À Munich, en 1858, le système reste encore mixte : professionnalisé dans son fonctionnement, communautaire dans ses ressources humaines.