Une source intéressante : la Feuerlöschordnung de 1858 à Munich
Dans le cadre de mes recherches doctorales sur l’évolution de l’identité et du rôle des pompiers en Bavière au XIXe siècle, j’ai eu l’occasion de travailler sur une source d’une belle richesse : la Feuerlöschordnung für die Haupt- und Residenzstadt München, publiée officiellement le 10 novembre 1858 dans le Bayerischer Anzeiger von München, journal administratif et de police de la capitale bavaroise.
Contexte de publication
Ce règlement, approuvé par le roi et promulgué conjointement par la direction de la police royale et le magistrat de la ville de Munich, fixe dans le détail l’organisation de la lutte contre l’incendie dans la ville de Munich, alors capitale du royaume de Bavière. Il s’agit d’un texte administratif ayant force de loi locale, structuré en sections précises, allant des modalités d’alerte aux obligations des citoyens, en passant par l’organisation des secours, les équipements, les personnels mobilisables, les punitions et les récompenses.
Le texte, divisé en six sections principales et complété par une série d’instructions spécifiques (aux inspecteurs, aux maîtres artisans, aux veilleurs de tours, etc.), décrit un système de sécurité incendie extrêmement structuré, combinant des moyens municipaux, privés et royaux, et mobilisant à la fois les services civils et militaires.
Une source clef pour l’historien
Pour l’historien des institutions, des professions ou encore des cultures urbaines, ce règlement représente un témoignage complet des pratiques de lutte contre l’incendie dans une grande ville allemande au mitan du XIXe siècle.
Il révèle plusieurs aspects fondamentaux :
- La pluralité des acteurs impliqués : ville, État, armée, artisans, citoyens…
- La coexistence d’un modèle professionnel et d’un modèle communautaire, qui coïncide précisément avec le cœur de mon hypothèse de travail.
- L’importance de la régulation et de la discipline, y compris en matière de signalement, d’intervention, de comportement, ou d’organisation du matériel.
- La dimension héroïque et méritocratique du service d’incendie, encadrée par des récompenses monétaires et symboliques.
- L’infrastructure logistique mise en place (maison du feu, chevaux attelés en permanence, systèmes d’alerte avec fanions, lanternes et télégraphes).
Ce document est donc bien plus qu’une simple ordonnance technique : c’est une photographie précise d’une société urbaine telle que les autorités souhaitent la structurer autour du risque, de la discipline et de la visibilité civique du secours.
Intérêt pour mon projet de thèse
Ce texte est une pierre angulaire dans l’analyse de la transformation du rôle du pompier à Munich, et plus largement en Bavière, au XIXe siècle. Il permet de voir concrètement comment les autorités pensaient et organisaient les secours — bien au-delà du simple geste technique — en lien avec des valeurs politiques, sociales et culturelles.
Il met également en lumière la professionnalisation progressive du métier, tout en confirmant la mobilisation de corps intermédiaires (artisans, milices, employés municipaux), inscrivant le pompier dans une trame identitaire complexe, entre engagement local et encadrement étatique.
Enfin, cette ordonnance éclaire l’importance de l’encadrement normatif des pratiques de secours, dans un monde urbain où l’incendie reste une menace redoutée et omniprésente.
Une série à suivre…
Ce premier article inaugure une série de publications qui exploreront en détail les différentes facettes de la Feuerlöschordnung de 1858 :
- Qui commandait les pompiers ?
- Comment signalait-on un incendie ?
- Quels étaient les équipements utilisés ?
- Quelles sanctions risquait-on en cas de manquement ?
- Comment était organisée la coopération entre civils et militaires ?
Chaque article s’appuiera directement sur le texte d’époque, dans sa langue originale, avec des traductions et des annotations historiques pour en faciliter la lecture. L’objectif est double : partager une recherche en cours, et valoriser une source méconnue, accessible à tout chercheur, étudiant ou curieux d’histoire des secours et des villes allemandes.
À très bientôt pour la suite !